INTRODUCTION

Exceptionnels par leur richesse visuelle, olfactive et gustative, les agrumes sont un sublimateur extraordinaire, relevant tout à la fois parfums, plats et bien sûr desserts. Ce n’est pas Yann Froelicher, chercheur en génétique sur les agrumes, et Pierre Hermé, pâtissier de l’excellence, qui nous diront le contraire.

Depuis une dizaine d’années, de nouveaux agrumes ont fait leur entrée dans la gastronomie et la haute pâtisserie, révélant des fruits jusque-là inconnus : mains de Bouddha, avec leurs griffes en forme de doigts, yuzu, combava, sudachi ou encore citron caviar dont la chair est faite de petites billes qui claquent en bouche, délivrant un jus acide quand on les croque.

Pierre Hermé ne saurait d’ailleurs se passer de ces fruits : « Pour moi, les agrumes, et particulièrement le citron, font partie des assaisonnements de la pâtisserie, au même titre que le sucre ou le sel. La particularité de ces fruits tient à leur acidité, comme le citron, mais aussi à leur amertume et à leur parfum. » Le pâtissier veillant aussi bien au parfum en bouche qu’au « nez » de ses créations…

Un fruit & une infinité de possibilités

« Le citron est sans conteste celui que j’utilise le plus. Je m’en sers par exemple pour parfumer mes cakes ou relever le goût des fraises. » Bien évidemment, Pierre Hermé s’approvisionne « à la source », achetant ses citrons en Sicile. « Nous utilisons entre 300 et 400 kilos de citrons par semaine, en fonction des périodes et des créations. C’est un compagnon idéal. La bergamote est formidable aussi, comme le citron vert que j’adore. Son zeste est un merveilleux assaisonnement, tout comme la main de Bouddha. »

Côté scientifique, Yann Froelicher, qui travaille sur les agrumes depuis une vingtaine d’années en Corse et dirige un programme d’innovation sur les variétés, les trouve tout simplement « extraordinaires » : « Ces fruits ont un univers unique dans leur diversité phénotypique (visuelle), allant du mini-kumquat d’un demi-centimètre au pamplemousse de 5 kilos, sans parler de leur extraordinaire gamme de couleurs. Cette diversité visuelle, en nez et en bouche, est unique dans le règne végétal. Outre leur utilisation en fruits de bouche, en cuisine et en pâtisserie, on les utilise aussi en parfumerie, en pharmacie, dans les alcools ou l’industrie des jus. »

Sous le soleil exactement…

Si, comme l’explique Yann Froelicher, les botanistes ne sont pas d’accord entre eux sur le nombre d’« espèces » ou « genres botaniques » des agrumes, chaque espèce compte néanmoins un grand nombre de variétés. « L’orange compte 200 à 300 variétés, et de nouvelles sont créées chaque année. L’oranger est l’agrume qui a cumulé le plus de mutations naturelles, car il est le plus vieux, étant apparu, on suppose, il y a 5000 ans en Asie du Sud-Est. On trouve ainsi des oranges sanguines, demi-sanguines, avec ou sans pépins, de table, à jus… Il en est de même pour les clémentines, qui comptent plus d’une centaine de variétés : Commune, Nules, Clemenrubi, précoces ou tardives… »

Fruits venus d’Asie avec les grands conquérants et par le biais des routes commerciales, les agrumes, à commencer par le cédratier (du genre citrus), arrivent dès le IIIe siècle av. J.-C. en Occident. « On en retrouve des traces dans les écrits de Théophraste qui dit qu’Alexandre Le Grand a ramené du cédrat de la vallée de l’Indus », explique le chercheur. Les agrumes ont ensuite voyagé autour du pourtour Méditerranéen, où on les apprécie bien sucrés, en Amérique du Nord, avec Christophe Colomb, puis en Amérique du Sud, avant d’arriver en Afrique du Sud et en Australie, où on les cultive depuis un siècle et demi seulement. Paradant aujourd’hui avec moult effets de style dans nos assiettes, ces fruits, « les plus hauts en intensité de goût » pour Pierre Hermé, sont qui plus est très bénéfiques pour la santé. Un vrai rayon de soleil en hiver dont on ne saurait se passer.

Article issu du magazine Desserts n°18

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